25.02.10

[pour le son : voir hier]
[aujourd’hui : le texte + 3 bonus tracks]
à quoi tu penses ?
(poème en vers justifiés)
(7 x 9 lignes de 41 signes avec espaces.)

01. à quoi tu penses ?
je pense qu’il est très malaisé de donner
corps à des pensées sur commande ou quasi
puis de déblatérer — je me rappelle avoir
enfant tenu le verbe « déblatérer » de ma
mère — ma mère à table, contant au souper
le croulement subit d’une collègue, d’une
PEGC au beau milieu d’un cours et comment
on l’avait voiturée à l’asile en auto, et
qu’elle déblatérait dans un magnétophone.

01 bis. à quoi tu penses ?
je pense qu’à cette interrogation (à quoi
tu penses ?) quand, enfant, il m’arrivait
de la poser à mon oncle (invariablement),
mon oncle répondait, « à la fragilité des
tuyaux de pipe en terre » — sans varier —
et qu’invariablement je riais, quoique il
m’eût fallu du temps pour bien comprendre
mais que les pies-panthères, aujourd’hui,
régentent mon bestiaire, à très peu près.


02. à quoi tu penses ?
je pense qu’il me faudrait faire sous peu
des courses et du ménage (avec une buée —
chez moi on nomme ainsi la lessive, je la
voyais quelquefois faire, chez une tante,
avec de la vapeur et de la ferblanterie —
de la gamelle grosse —, du tohu-bohu avec
de grands bidons, du barouf tiède et sous
quoi sans mollir sifflotaient des serins,
dont en sous-main elle faisait commerce).

02 bis. à quoi tu penses ?
je pense que je pense comme le pékin très
moyen très souvent à la mort, qu’alors de
l’ire (vieilli(e)) me vient, que mon seul
espoir tient à celui de croire qu’alors —
quand —, ce sera, non pas ma vie défilant
comme on dit que la mort fait, mais trois
ou quatre chers détails, des riens, cette
dent luisant à la bouche d’une puis d’une
autre le nez, un bracelet, leurs miettes.


03. à quoi tu penses ?
je pense qu’il m’est impossible de jamais
obtenir une médaille aux jeux olympiques,
d’hiver ou d’été, qu’il est sans conteste
trop tard pour s’efforcer vers la lune ou
mars — que se refusent à moi cap kennedy,
kourou, les pas de tir kazakhs — je pense
qu’il ne me viendra pas d’enfant non plus
que de mari — de frère grand, petit (d’où
je pense que je n’aurai fait que passer).

03 bis. à quoi tu penses ?
je pense que comme rimbaud désormais j’ai
grand’peur du froid et que conséquemment,
je regagne le goût des étés d’autrefois :
chez moi les mottes, les éteules, la main
du vent passée sur les blés, ces faisanes
et des trilles, mon chat dans la cerise ;
chez eux — selon —, mer ou bien la forêt,
nos deux beaux grands silences, nous deux
très taiseux dans l’été, « ma bellotte ».


04. à quoi tu penses ?
je pense qu’à la pluie l’envie me déprend
de mettre le nez dehors, qu’enfant, l’eau
me mouillait moins, qu’à la fois, tantôt,
le bois doit fleurer bon vers vincennes —
qu’il en faudrait peu pour que j’y marche
et que ma cour est grise, qu’elle blêmit,
que, néanmoins, ce qui fadit ne fadit pas
assez pour me bouter hors, qu’une fille :
si — une rincée n’en noierait pas le feu.

2 commentaires:

Bobi+Bobi a dit…

sublime, j'ai dit.

Anonyme a dit…

bobi a dit bobi dit vrai j'applaudis

juliette mézenc